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VERS PÉKIN.

À mesure que l’on s’éloigne du quartier où la présence de nos soldats entretient un peu de vie, l’horreur augmente, avec la solitude et le silence…

D’abord, la rue des marchands de porcelaine, les grands entrepôts où s’emmagasinaient les produits des fabriques de Canton. Ce devait être une belle rue, à en juger par les débris de devantures sculptées et dorées qui subsistent encore. Aujourd’hui, les magasins béants, crevés de toutes parts, semblent vomir sur la chaussée leurs monceaux de cassons. On marche sur l’émail précieux, peint de fleurs éclatantes, qui forme couche par terre, et que l’on écrase en passant. Il n’y a pas à rechercher de qui ceci est l’œuvre, et c’était fait d’ailleurs quand nos troupes sont entrées. Mais vraiment il a fallu s’acharner des journées entières à coups de botte, à coups de crosse, pour piler si menu toutes ces choses : les potiches, réunies ici par milliers, les plats, les assiettes, les tasses, tout cela est broyé, pulvérisé, — avec des restes humains et des chevelures.