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VERS PÉKIN.

Vers neuf heures, comme nous venions de dépasser un groupe de jonques pleines de monde, et purement chinoises — jonques de maraudeurs, vraisemblablement, — des cris s’élèvent derrière nous, des cris de détresse et de mort, d’horribles cris dans ce silence… Toum, qui prête son oreille fine et comprend ce que ces gens disent, explique qu’ils sont en train de tuer un vieux, parce qu’il a volé du riz… Nous ne sommes pas en nombre et d’ailleurs pas assez sûrs de nos gens pour intervenir. Dans leur direction, je fais seulement tirer en l’air deux coups de feu, qui jettent leur fracas de menace au milieu de la nuit, — et tout se tait comme par enchantement ; nous avons sans doute sauvé la tête de ce vieux voleur de riz, au moins jusqu’à demain matin.

Et c’est la tranquillité ensuite jusqu’au jour. À minuit, amarrés n’importe où parmi les roseaux, nous nous endormons d’un sommeil qui n’est plus inquiété. Grand calme et grand froid, sous le regard des étoiles. Quelques coups de fusil au loin ; mais on y est habitué, on les