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VERS PÉKIN.

cophage prend bientôt, par leurs soins, un air de recherche tout à fait barbare et drôle.

C’est étonnant, du reste, combien on s’habituerait vite à cette existence si complètement simplifiée de la jonque, existence de saine fatigue, d’appétit dévorant et de lourd sommeil.

Vers le soir de cette journée, les montagnes de Mongolie, celles qui dominent Pékin, commencent de se dessiner, en petite découpure extra lointaine, tout au ras de l’horizon, tout au bout de ce pays infiniment plat.

Mais le crépuscule d’aujourd’hui a je ne sais quoi de particulièrement lugubre. C’est un point où le Peï-Ho sinueux, qui s’est rétréci d’heure en heure, à chacun de ses détours, semble n’être plus qu’un ruisseau entre les deux silencieuses rives et on se sent presque serré de trop près par les fouillis d’herbages, receleurs de sombres choses. Et puis le jour s’éteint dans ces nuances froides et mortes spéciales aux soirs des hivers du Nord. Tout ce qui reste de clartés éparses se réunit sur l’eau,