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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

invité à ma table mes deux compagnons de route, — à ma très comique petite table, qu’eux-mêmes ont fabriquée, d’un aviron cassé et d’une vieille planche. Le pain de munition nous paraît exquis, après la longue marche sur la rive ; nous avons pour nous réchauffer le thé bouillant que nous prépare le jeune Toum, à la fumée, sur un feu de sorghos, et voici que, la faim assouvie, les cigarettes turques épandant leur petit nuage charmeur, on a presque un sentiment de chez soi et de confortable, dans ce gîte de rien, enveloppé de vastes ténèbres.

Puis, vient l’heure de dormir, — tandis que la jonque chemine toujours et que nos haleurs continuent leur marche courbée, frôlant les sorghos pleins de surprises, dans le sentier noir. Toum, bien qu’il soit un Chinois élégant, ira nicher avec les autres de sa race, à fond de cale, dans la paille. Et nous, tout habillés, bien entendu, tout bottés et les armes à portée de la main, nous nous étendons sur l’étroit lit de camp de la chambre, — regardant les étoiles