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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

balles, contre des troupes dix fois plus nombreuses.

Captives à présent, les déesses sont la propriété — et le bibelot curieux, si l’on peut dire — des sept nations alliées. On ne les maltraite point. On les enferme seulement, de peur qu’elles ne se suicident, ce qui est devenu leur idée fixe. Dans la suite, quel sera leur sort ? Déjà on se lasse de les voir, on ne sait plus qu’en faire.

Cernées, un jour de déroute, dans une jonque où elles venaient de se réfugier, elles s’étaient jetées dans le fleuve, avec leur mère qui les suivait toujours. Au fond de l’eau, des soldats les repêchèrent toutes les trois, évanouies. Elles, les déesses, après des soins très longs, reprirent leurs sens. Mais la maman ne rouvrit jamais ses yeux obliques de vieille Chinoise, et on fit croire à ses filles qu’elle était soignée dans un hôpital, d’où elle ne tarderait pas à revenir. D’abord, les prisonnières étaient braves, très vivantes, hautaines même, et toujours parées. Mais ce matin, on leur a dit qu’elles n’avaient