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VERS PÉKIN.

d’eux, amenant l’explosion de son énorme poudrière et l’affolement de ses canonniers jaunes ; les Japonais, alors, s’étaient emparés de ce fort-là, pour ouvrir un feu imprévu sur celui d’en face, et aussitôt la déroute chinoise avait été commencée. Sans ce hasard, sans cet obus et cette panique, toutes les canonnières européennes mouillées dans le Peï-Ho étaient inévitablement perdues ; le débarquement des forces alliées devenait impossible ou problématique, et la face de la guerre était changée.)

Nous avançons maintenant dans le fleuve, remuant l’eau vaseuse et infecte où flottent des immondices de toute sorte, des carcasses le ventre gonflé, des cadavres humains et des cadavres de bêtes. Et les deux rives sinistres nous montrent, au soleil déclinant du soir, un défilé de ruines, une désolation uniformément noire et grise : terre, cendre et charpentes calcinées. Plus rien, que des murs crevés, des écroulements, des décombres.

Sur ce fleuve aux eaux empestées, une animation fiévreuse, un encombrement au milieu