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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

Quand sont passés les grands serpents, au cliquetis de ferrailles, au son fêlé des cymbales tartares, le Pont de Marbre continue de déverser au pied de notre palais un flot humain sur la rive, mais un flot plus irrégulier, qui a des poussées tumultueuses et d’où s’échappe une clameur formidable. Et c’est le reste de nos troupes, les soldats libres, qui suivent la retraite, avec des lanternes aussi, des grappes de lanternes balancées, en chantant la Marseillaise à pleine poitrine, ou bien Sambre-et-Meuse. Et les soldats allemands sont avec eux, bras dessus bras dessous, grossissant cette houle puissante et jeune, et donnant de la voix à l’unisson, accompagnant de toutes leurs forces nos vieux chants de France…

Invraisemblable, ce dîner de Babel, ce toast des princes chinois, cette Marseillaise allemande !…

Minuit. Les myriades de petites lanternes rouges ont achevé de se consumer, aux cor-