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VERS LES TOMBEAUX DES EMPEREURS.

petits régiments de mercenaires et de bandits, lèverait en masse, pour une suprême révolte, ses millions de jeunes paysans tels que ceux que je viens de voir, sobres, cruels, maigres et musclés, rompus à tous les exercices physiques et dédaigneux de la mort, quelle terrifiante armée elle aurait là, en mettant aux mains de ces hommes nos moyens modernes de destruction !… Et vraiment il semble, quand on y réfléchit, que certains de nos alliés aient été imprudents de semer ici tant de germes de haine et tant de besoins de vengeance.

Là-bas, au bout de l’avenue déserte aux verdures sombres, le temple final commence de montrer son toit d’émail. La montagne au-dessus, l’étrange montagne dentelée qui a été choisie pour être comme la toile de fond du morne décor, monte aujourd’hui, toute violette et rose, dans une déchirure de ciel d’un bleu rare, d’un bleu de turquoise mourante, tournant au vert. La lumière demeure exquise et discrète ; le soleil, voilé sous ces mêmes nuages couleur de tourterelle. Et nous n’entendons plus