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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

longue encore, majestueuse entre ses deux parois de cèdres aux verdures presque noires, et recouverte par terre d’un tapis d’herbes, de fleurs, de mousses comme si on n’y marchait jamais. Toutes les avenues dans ce bois sont habituées au même continuel abandon, au même continuel silence, car les Chinois ne venaient ici qu’à de longs intervalles, en cortèges respectueux et lents, pour accomplir des rites mortuaires. Et cet air de délaissement, dans cette splendeur, est le grand charme de ce lieu unique au monde.

Quand les alliés auront évacué la Chine, le parc des tombeaux, qui nous aura été ouvert un moment, redeviendra impénétrable aux Européens pour des temps que l’on ignore, jusqu’à une invasion nouvelle peut-être, qui fera cette fois crouler le vieux Colosse jaune… À moins qu’il ne secoue son sommeil de mille ans, le Colosse encore capable de jeter l’épouvante, et qu’il ne prenne enfin les armes pour quelque revanche à laquelle on n’ose songer… Mon Dieu, le jour où la Chine, au lieu de ses