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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

vierge, — tant il est feutré de ces mousses, de ces petites plantes délicates et rares qu’un rien dérange, qui ne croissent que dans les lieux longuement tranquilles, longuement respectés par les hommes.

Ensuite viennent des ponts de marbre blanc, arqués en demi-cercle, trois ponts parallèles, comme chaque fois que doit passer un empereur vivant ou mort, le pont du milieu étant réservé pour Lui seul. Les architectes des tombeaux ont eu soin de faire traverser plusieurs fois l’avenue par de factices rivières, afin d’avoir l’occasion d’y jeter ces courbes charmantes et leur blancheur quasi éternelle. Chaque balustre des ponts figure un enlacement de chimères impériales. Les longues dalles penchées y sont glissantes et neigeuses, encadrées par une herbe de cimetière, qui pousse et fleurit dans tous leurs joints. Et le passage est dangereux pour nos chevaux, dont les pas résonnent tristement sur ce marbre ; le bruit soudain que nous faisons là, dans ce silence, nous cause d’ailleurs presque une gêne, comme si nous venions