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VERS LES TOMBEAUX DES EMPEREURS.

Il fait déjà sombre dans l’appartement du prince, qui donne sur ce petit jardin de prison, et on n’y aperçoit d’abord en entrant qu’un flot de soies rouges : les longs baldaquins retombants de plusieurs « parasols d’honneur », ouverts et plantés debout sur des pieds en bois. Un air lourd, trop saturé d’opium et de musc. De profonds divans rouges, sur lesquels traînent des pipes d’argent, pour fumer ce poison dont la Chine est en train de mourir. Le prince, vingt ou vingt-deux ans, d’une laideur maladive avec deux yeux qui divergent, est parfumé à l’excès, et vêtu de soies tendres, dans des gammes qui sont du mauve ou lilas.

Ce soir, chez le mandarin, dîner auquel assistent le commandant du poste français, le prince, deux ou trois notables et un de mes « confrères », un membre de l’Académie de Chine, mandarin à bouton de saphir.

Assis dans de lourds fauteuils carrés, nous