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VERS LES TOMBEAUX DES EMPEREURS.

du nord de la France, avec ces sillons partout, ces bouquets d’ormeaux et de saules. On oublie qu’on est au fond de la Chine, sur l’autre versant du monde, on s’attend à voir, dans les sentiers, passer des paysans de chez nous… Mais les quelques laboureurs courbés vers la terre ont sur la tête de longues nattes relevées en couronnes, et leurs torses nus sont comme teints au safran.

Tout est paisible, dans ces champs inondés de soleil, dans ces villages bâtis à l’ombre légère des saules. En somme, les gens ici vivaient heureux, cultivant à la façon primitive le vieux sol nourricier, et régis par des coutumes de cinq mille ans. À part les exactions peut-être de quelques mandarins — et encore est-il beaucoup de mandarins débonnaires, — ces paysans chinois en étaient presque restés à l’âge d’or, et je ne me représente pas ce que seront pour eux les joies de cette « Chine nouvelle » rêvée par les réformateurs d’Occident. Jusqu’à ce jour, il est vrai, l’invasion ne les a guère troublés, ceux-ci ; dans cette contrée