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VERS LES TOMBEAUX DES EMPEREURS.

Dans ce sol desséché, émietté, comment donc peuvent croître les blés nouveaux, qui font çà et là des carrés d’un vert bien frais, au milieu des grisailles infinies ? Il y a aussi de loin en loin quelques maigres bouquets d’ormeaux et de saules, un peu différents des nôtres, mais reconnaissables cependant, garnis à peine de leurs premières petites feuilles. Monotonie et tristesse ; pauvres paysages de l’extrême Nord, dirait-on, mais éclairés par un soleil d’Afrique, un soleil qui se serait trompé de latitude.

À un détour du chemin creux, une troupe de laboureurs qui nous voient tout à coup surgir s’effarent et jettent leurs bêches pour se sauver. Mais l’un d’eux les arrête en criant : « Fauko pink ! (Français soldats !) Ce sont des Français, n’ayez pas peur ! » Alors ils se courbent à nouveau sur la terre brûlante, continuent paisiblement leur travail, en nous regardant passer du coin de l’œil. — Et leur confiance en dit déjà très long sur l’espèce un peu exceptionnelle de « barbares » que nos braves soldats ont su être, au cours de l’invasion européenne.