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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

Après, pour nous amuser, il imite, toujours sur sa même guitare, le bruit d’un régiment français qui passe : les tambours en sourdine et notre « Marche des zouaves » qui semble sonnée par des clairons dans le lointain.

Paraissent enfin trois petites bonnes femmes, pâlottes et grasses, qui vont nous faire entendre des trios plaintifs, avec des vocalises en mineur dont la tristesse convient aux rêves de la fumée noire. Mais, avant de chanter, l’une des trois, qui est l’étoile, une bizarre petite créature très parée, avec une tiare comme une déesse, en fleurs en papier de riz, s’avance vers moi sur la pointe de ses pieds martyrisés, me tend la main à l’européenne, disant en français, d’un accent un peu créole et non sans une certaine aisance distinguée :

— Bonsoir, colonel !…

Et c’était bien la dernière des choses que j’attendais ! Vraiment, l’occupation de Pékin par nos troupes françaises aura été féconde en résultats imprévus…