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PÉKIN AU PRINTEMPS.

geant à la file par la porte étroite. Ces coupes de pantalons, ces coupes de tuniques, ces recherches de formes et de couleurs, tout cela doit être millénaire comme la Chine, — et combien c’est loin de nous ! on dirait des poupées d’un autre âge, d’un autre monde, échappées des vieux paravents ou des vieilles potiches, pour prendre réalité et vie sous ce beau soleil d’un matin d’avril. Il y a des dames chinoises aux orteils déformés, aux invraisemblables petits souliers pointus ; pointus aussi, leurs catogans tout empesés et tout raides, qui se relèvent sur leurs nuques comme des queues d’oiseau. Il y a des dames tartares, de cette aristocratie spéciale qu’on appelle « les huit bannières » ; elles ont les pieds naturels, celles-ci, mais leurs mules brodées posent sur des talons plus hauts que des échasses, leur chevelure est étendue, dévidée comme un écheveau de soie noire, sur une longue planchette qu’elles placent en travers, derrière leur tête, et qui leur fait deux cornes horizontales, avec une fleur artificielle à chaque bout.