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DANS LA VILLE IMPÉRIALE.

Bien qu’il fasse sensiblement plus froid encore qu’à l’aller, c’est presque amusant de reprendre la vie nomade, de réhabiter le petit sarcophage au toit de natte, de s’enfoncer, à la nuit tombante, dans l’immense solitude d’herbages, en glissant entre les deux rives noires.


Mercredi 31 octobre.

Le soleil matinal resplendit sur le pont de la jonque couvert d’une couche de glace. Le thermomètre marque 8° au-dessous de zéro, et le vent de Mongolie souffle avec violence, âpre, cruel, mais puissamment salubre.

Nous avons pour nous le courant rapide, et, beaucoup plus vite qu’au départ, défilent sous nos yeux les rives désolées, avec leurs mêmes ruines, leurs mêmes cadavres aux mêmes places. Du matin au soir, pour nous réchauffer, nous marchons sur le chemin de halage, courant presque à côté de nos Chinois à la cordelle. Et c’est une plénitude de vie physique ; dans ce vent-là, on se sent infatigables et légers.