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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

quarantaine de bras qui tiennent des instruments de torture ou des têtes coupées.

Telle est la divinité protectrice que les Chinois font planer sur leur ville, plus haut que toutes leurs pyramidales toitures de faïence, plus haut que leurs tours et leurs pagodes, — ainsi qu’on aurait chez nous, aux âges de foi, placé un christ ou une Vierge blanche. Et c’est comme le symbole tangible de leur cruauté profonde ; c’est comme l’indice de l’inexplicable fissure dans la cervelle de ces gens-là, d’ordinaire si maniables et doux, si accessibles au charme des petits enfants et des fleurs, mais qui peuvent tout à coup devenir tortionnaires avec joie, avec délire, arracheurs d’ongles et dépeceurs d’entrailles vives…

Les choses qui me soutiennent en l’air, rochers et terrasses de marbre, dévalent au-dessous de moi, parmi les cimes des vieux cèdres, en des fuites glissantes à donner le vertige. La lumière est admirable et le silence absolu.