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DANS LA VILLE IMPÉRIALE.

ici depuis des siècles ; l’enduit rouge des remparts est tombé par places, ou s’est tacheté de noir ; le marbre des obélisques féroces, le marbre des gros lions aux yeux louches n’a pu jaunir ainsi que sous les pluies d’innombrables saisons, et l’herbe verte, poussée partout entre les joints du granit, détaille comme d’une ligne de velours les dessins du dallage.

Ces triples portes, les dernières, qui furent autrefois les plus farouches du monde, confiées depuis la déroute à un détachement de soldats américains, peuvent s’ouvrir aujourd’hui à tel ou tel barbare comme moi, porteur d’une permission dûment signée.

Et on entre alors, après les tunnels, dans l’immense blancheur des marbres, — une blancheur, il est vrai, un peu passée au jaune d’ivoire et très tachée par la rouille des feuilles mortes, par la rouille des herbes d’automne, des broussailles sauvages qui ont envahi ce lieu délaissé. On est sur une place dallée de marbre, et on a devant soi, se dressant au fond comme un mur, une écrasante estrade de marbre, sur