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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

la « Ville violette ». Et je sors chaque fois de mon kiosque à cette heure-là pour revoir encore ces aspects uniques au monde.

Comparée à ceci, quelle laideur barbare offre la vue à vol d’oiseau d’une de nos villes d’Europe : amas quelconque de pignons difformes, de tuiles grossières ; toits sales plantés de cheminées et de tuyaux de poêle, avec en plus l’horreur des fils électriques entre-croisés en réseau noir ! En Chine, où l’on dédaigne assurément trop le pavage et la voirie, par contre tout ce qui s’élève un peu haut dans l’air — domaine des Esprits protecteurs au vol incessant — est toujours impeccable. Et cet immense repaire des empereurs, aujourd’hui vide et mort, étale pour moi seul, en cet instant du soir, le luxe prodigieux de ses toitures d’émail.

Malgré leur vieillesse, elles étincellent encore sous ce soleil rougissant, les pyramides de faïence jaune aux contours arqués avec une grâce qui nous est inconnue ; à tous les angles de leurs sommets, des ornements simulent de grandes ailes, et puis en bas, vers les bords,