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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

élégants et délicats, un peu féminins, que l’on a détruits à plaisir. Et, comme c’est un massacre tout récent, les étoffes légères, les fleurs en soie, les lambeaux de parures n’ont même pas perdu leur fraîcheur.

« Au fond de la deuxième cour, la deuxième chambre à gauche !… » Voici… Il y reste un trône, des fauteuils, un grand lit très bas, sculpté par la main des génies. Mais tout est saccagé. À coups de crosse sans doute, on a brisé les glaces sans tain à travers lesquelles la souveraine pouvait contempler les miroitements du lac et la floraison rose des lotus, les ponts de marbre, les îlots, tout le paysage imaginé et réalisé pour ses yeux ; et on a mis en pièces une soie blanche très fine, tendue aux murs, sur laquelle un artiste exquis avait jeté au pinceau, en teintes pâles, d’autres lotus beaucoup plus grands que nature, mais languissants, courbés par quelque vent d’automne, et à demi effeuillés, semant leurs pétales…

Sous ce lit, où je regarde tout de suite,