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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

des ménagements aimables, si nous n’y commettons pas de dégâts.

Ce que nous faisons, il le sait aussi bien que moi, ayant des espions partout, même parmi nos portefaix ; son énigmatique figure cependant simule une satisfaction quand je lui confirme que nous ne détruisons rien.

L’audience finie, les poignées de main échangées, Li-Hung-Chang, toujours appuyé sur les deux serviteurs qu’il domine de sa haute taille, vient me reconduire jusqu’au milieu de la cour. Et quand je me retourne sur le seuil pour lui adresser le salut final, il rappelle courtoisement à ma mémoire l’offre que je lui ai faite de lui envoyer le récit de mon voyage à Pékin, — si jamais je trouve le temps de l’écrire. Malgré la grâce parfaite de l’accueil, due surtout à mon titre de mandarin de lettres, ce vieux prince des « Mille et une Nuits » chinoises, en habits râpés, dans un cadre de misère, n’a cessé de me paraître inquiétant, masqué, insaisissable et peut-être sourdement dédaigneux ou ironique.