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DANS LA VILLE IMPÉRIALE.

Mais on n’en pouvait plus ; la maigre ration de bouillie diminuait trop, on n’avait plus de force…

Ces cadavres de Boxers, qui s’entassaient tout le long du vaste pourtour désespérément défendu, emplissaient l’air d’une odeur de peste ; ils attiraient les chiens qui, dans les moments d’accalmie, s’assemblaient pour leur manger le ventre ; alors, les derniers temps, on tuait ces chiens du haut du mur, on les péchait avec un croc au bout d’une corde, — et c’était une viande réservée aux malades et aux mères qui allaitaient.

Le jour enfin où nos soldats entrèrent dans la place, guidés par l’évêque à cheveux blancs qui, debout sur le mur, agitait le drapeau français, le jour où l’on se jeta dans les bras les uns des autres avec des larmes de joie, — il restait tout juste de quoi faire, en y mettant beaucoup de feuilles d’arbres, un seul et dernier repas.

— Il semblait, dit monseigneur Favier, que la Providence eût compté nos grains de riz !