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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

avec les racines des dahlias du jardin et les oignons des lis. De pauvres Chinois venaient humblement dire :

— Il faut garder le peu qui reste de millet pour les matelots qui nous défendent et qui ont plus besoin de force que nous.

L’évêque voyait se traîner à ses pieds une femme accouchée de la veille, qui suppliait :

— Évêque ! évêque ! fais-moi donner seulement une poignée de grain, pour qu’il me vienne du lait et que mon petit ne meure pas !

On entendait toute la nuit dans l’église les petites voix de deux ou trois cents enfants qui gémissaient pour avoir à manger. Suivant l’expression de monseigneur Favier, c’étaient comme les bêlements d’une troupe d’agnelets destinés au sacrifice. Leurs cris d’ailleurs allaient en diminuant, car on en enterrait une quinzaine par jour.

On savait que non loin de là, aux légations européennes, un drame pareil devait se jouer, mais, il va sans dire, toute communication