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DANS LA VILLE IMPÉRIALE.

en dehors de ces murs qui les protégeaient un peu, quinze mille environ de leurs frères étaient brûlés, dépecés vifs, jetés en morceaux dans le fleuve, pour la nouvelle foi qu’ils ne voulaient point renier.

Il se passait des choses inouïes, pendant ce siège : un évèque[1], la tête éraflée par les balles, allait, suivi d’un enseigne de vaisseau et de quatre marins, arracher un canon à l’ennemi ; des séminaristes fabriquaient de la poudre, avec les branches carbonisées des arbres de leur préau et avec du salpêtre qu’ils dérobaient la nuit, en escaladant les murs, dans un arsenal chinois.

On vivait dans un continuel fracas, dans un continuel éclaboussement de pierres ou de mitraille ; tous les clochetons en marbre de la cathédrale, criblés d’obus, chancelaient, tombaient par morceaux sur les têtes. À toute heure sans trêve, les boulets pleuvaient dans les cours, enfonçaient les toits, crevaient les

  1. Monseigneur Jarlin, coadjuteur de monseigneur Favier.