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DANS LA VILLE IMPÉRIALE.

encore toute blanche, malgré l’envahissement des obscurités grises ou noires.

En cet endroit, comme je m’y attendais, une senteur cadavérique s’élève tout à coup dans l’air glacé. — Et je connais depuis une semaine le personnage qui me l’envoie : en robe bleue, les bras étendus, couché le nez dans les vases de la rive et montrant sa nuque où le crâne s’ouvre. De même que je devine, dans le fouillis épeurant des herbes, son camarade qui, à dix pas plus loin, gît le ventre en l’air.

Une fois passé ce beau et solitaire Pont de Marbre, à travers le pâle nuage dont les eaux se sont enveloppées, je serai presque arrivé à mon logis. Il y aura d’abord à ma gauche un portail de faïence, gardé par deux sentinelles allemandes, — deux êtres vivants que je ne suis pas fâché de savoir bientôt sur ma route, et qui, s’ils y voient encore, me salueront de l’arme avec un ensemble automatique ; ce sera l’entrée des jardins au fond desquels réside le feld-maréchal de Waldersee, dans un palais de l’Impératrice.