Page:Loti - Les Derniers Jours de Pékin, 1901.djvu/244

Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
DANS LA VILLE IMPÉRIALE.

moi au détour du chemin. Elle se découvre lentement, toujours muette et fermée, bien entendu, comme un colossal tombeau. Ses longues murailles droites, au-dessus de ses fossés pleins d’herbages, vont se perdre dans les lointains confus et déjà obscurs. Le silence semble s’exagérer à son approche, comme si elle en condensait, comme si elle en couvait, du silence, dans son enceinte effroyable, — du silence et de la mort.

Un coin du « Lac des Lotus » commence maintenant de s’indiquer, comme un morceau de miroir clair, renversé parmi des roseaux pour recueillir les derniers reflets du ciel ; je vais passer tout au bord, devant l’ « Île des Jades », où mène un pont de marbre, — et je sais d’avance, pour l’avoir journellement vue, la féroce grimace chinoise que me réservent les deux monstres gardiens de ce pont, depuis des siècles accroupis sur leur socle.

Je sors enfin de l’ombre et de l’oppression des arbres ; le Lac des Lotus achève de se déployer devant moi, faisant de l’espace libre,