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ARRIVÉE DANS LA MER JAUNE.

tant de jours, nos esprits étaient tendus. Et c’est la Chine, très proche bien qu’invisible, qui attire par son immense voisinage cette troupe de bêtes de proie, et qui les immobilise, comme des fauves en arrêt, sur ce point précis de la mer, que l’on dirait quelconque.

L’eau, en cette région de moindre profondeur, a perdu son beau bleu, auquel nous venions si longuement de nous habituer ; elle devient trouble, jaunâtre, et le ciel, pourtant sans nuages, est décidément triste. La tristesse d’ailleurs se dégage, au premier aspect, de cet ensemble, dont nous allons sans doute pour longtemps faire partie…

Mais voici qu’en approchant tout change, à mesure que monte le soleil, à mesure que se détaillent mieux les beaux cuirassés reluisants et les couleurs mêlées des pavillons de guerre. C’est vraiment une étonnante escadre, qui représente ici l’Europe, l’Europe armée contre la vieille Chine ténébreuse. Elle occupe un espace infini, tous les côtés de l’horizon semblent encombrés de navires. Et les canots, les vedettes