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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

masses inquiétantes et hermétiquement fermées, — tout cela couleur d’ocre et de rouille, avec des reflets d’or jetés sur le haut des tuiles par le triste soleil du soir.

La cour est déserte, et l’herbe des ruines, il va sans dire, croît entre ses dalles. Et sur des estrades de marbre blanc, devant les portes closes de ces grands temples rouillés par les siècles, sont rangés des « moulins-à-prières » sortes de troncs de cône en bronze gravés de signes secrets, que l’on fait tourner, tourner, en murmurant des paroles inintelligibles pour les hommes de nos jours…

Dans la vieille Asie, notre aïeule, il m’est arrivé de pénétrer au fond de bien des sanctuaires sans âge, et de frémir d’une angoisse essentiellement indéfinissable, devant des symboles au sens depuis des siècles perdu. Mais cette sorte d’angoisse-là jamais ne s’était compliquée d’autant de mélancolie que ce soir, par ce vent froid, dans la solitude, dans le délabrement de cette cour, sur ces pavés blancs et ces herbes, entre ces mystérieuses façades couleur d’ocre