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DANS LA VILLE IMPÉRIALE.

muraille tartare, dans une partie tout à fait morte de cette ville — qui se meurt de siècle en siècle, par quartiers, comme se dessèchent branche par branche les vieux arbres.

Quand j’y viens aujourd’hui en pèlerinage avec les membres de la légation de France, nous y pénétrons tous pour la première fois de notre vie.

Pour nous y rendre, sous le vent glacé et l’éternelle poussière, nous avons d’abord traversé le « marché de l’Est », trois ou quatre kilomètres d’un Pékin insolite et lamentable, un Pékin de crise et de déroute, où tout se vend par terre, étalé sur les immondices et sur la cendre. À la guenille et à la ferraille se mêlent d’introuvables choses, que des générations de mandarins s’étaient pieusement transmises ; les vieux palais détruits ont vomi là, comme les maisons de pauvres, leur plus étonnant contenu séculaire ; des débris sordides et des débris merveilleux ; à côté d’une loque empestée, un bibelot de trois mille ans. Le long des maisons, à perte de vue, pendent à des clous des défroques de morts et de mortes,