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DANS LA VILLE IMPÉRIALE.

on léguée des choses de la terre, et des choses d’au delà, que figurent ici pour lui tant d’épouvantables symboles ? Les empereurs demi-dieux dont il descend faisaient trembler la vieille Asie, et, devant leur trône, les souverains tributaires venaient de loin se prosterner, emplissant ce lieu de cortèges et d’étendards dont nous n’imaginons plus la magnificence ; lui, le séquestré et le solitaire, entre ces mêmes murailles aujourd’hui silencieuses, comment et sous quels aspects de fantasmagorie qui s’efface gardait-il en soi-même l’empreinte des passés prodigieux ?

Et quel désarroi sans doute, dans l’insondable petit cerveau, depuis que vient de s’accomplir le forfait sans précédent, que ses plus folles terreurs n’auraient jamais su prévoir : le palais aux triples murs, violé jusqu’en ses recoins les plus secrets ; lui, fils du Ciel, arraché à la demeure où vingt générations d’ancêtres avaient vécu inaccessibles ; lui, obligé de fuir, et dans sa fuite, de se laisser regarder, d’agir à la lumière du soleil comme les autres hommes, peut-être même d’implorer et d’attendre !…