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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

des kakis, des raisins, des aubergines, des citrouilles et des gourdes — des gourdes surtout, car c’est ici un emblème de bonheur, et l’Impératrice avait coutume d’en offrir une de ses blanches mains, en échange de présents magnifiques, à tous les grands dignitaires qui venaient lui faire leur cour. Il y a des petits pavillons pour l’élevage des vers à soie et des petits kiosques pour emmagasiner les graines potagères, — chaque espèce de semence gardée dans une jarre de porcelaine avec dragons impériaux qui serait une pièce de musée.

Et les sentiers de cette paysannerie artificielle finissent par se perdre dans la brousse, sous les arbres effeuillés du bois où les corbeaux et les pies se promènent aujourd’hui par bandes, au beau soleil d’automne. Il semble que l’Impératrice en quittant la régence — et on sait par quelle manœuvre d’audace elle parvint si vite à la reprendre — ait eu le caprice de s’organiser ici une façon de campagne, en plein Pékin, au centre même de l’immense fourmilière humaine.