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DANS LA VILLE IMPÉRIALE.

merveilleuses sculptures d’ébène ; mais ce papier de riz est déchiré, crevé de toutes parts, laissant passer sur nous les souffles mortellement froids de la nuit. Nos pieds gelés posent sur des tapis impériaux, jaunes, à haute laine, où s’enroulent des dragons à cinq griffes. À côté de nous brillent doucement, à la lueur de notre bout de bougie qui va finir, des brûle-parfums gigantesques, en cloisonné d’un bleu inimitable d’autrefois, montés sur des éléphants d’or ; des écrans d’une fantaisie extravagante et magnifique ; des phénix d’émail éployant leurs longues ailes ; des trônes, des monstres, des choses sans âge et sans prix. Et nous sommes là, nous, inélégants, pleins de poussière, traînés, salis, — l’air de grossiers barbares, installés en intrus chez des fées.

Ce que devait être cette galerie, il y a trois mois à peine ! Quand, au lieu du silence et de la mort, c’était la vie, les musiques et les fleurs ; quand la foule des gens de cour ou des domestiques en robe de soie peuplait ces abords aujourd’hui vides et dévastés ; quand l’Impé-