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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

chandises, agissant à la façon des canaux et des rivières, qui charrient à travers des espaces immenses les chalands et les jonques. — Si pesante est la poussière soulevée par leurs pas qu’elle peut à peine monter ; les jambes de ces innombrables chameaux en cortège, comme la base des maisons, comme les robes des passants, tout cela est sans contours, vague et noyé autant que dans l’épaisse fumée d’une forge, ou dans les flocons d’une ouate sombre ; mais les dos des grandes bêtes et leurs figures poilues émergent de ce flou qui est vers le sol, se dessinent presque nettement. Et l’or des façades, terni par en bas, commence d’étinceler très clair à la hauteur des extravagantes corniches.

On dirait une ville de fantasmagorie, n’ayant pas d’assise réelle, mais posant sur une nuée, — une lourde nuée où se meuvent, inoffensifs, des espèces de moutons géants, au col élargi par des toisons rousses.

Au-dessus de l’invraisemblable poussière, rayonne une clarté blanche et dure, resplendit