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VERS PÉKIN.

suprême, en sacs de sable, en gravier dans des rideaux cousus, alors, pour tous ceux qui restaient là, c’était l’horrible torture au milieu des musiques et des rires, l’horrible dépeçage, les ongles d’abord arrachés, les pieds tenaillés, les entrailles mises dehors, et la tête ensuite, au bout d’un bâton, promenée par les rues.

On les attaquait de tous les côtés et par tous les moyens, souvent aux heures les plus imprévues de la nuit. Et c’était presque toujours avec des cris, avec des fracas soudains de trompes et de tam-tams. Autour d’eux, des milliers d’hommes à la fois venaient hurler à la mort, — et il faut avoir entendu des hurlements de Chinois pour imaginer ces voix-là, dont le timbre seul vous glace. Ou bien des gongs assemblés sous les murs leur faisaient un vacarme de grand orage.

Parfois, d’un trou subitement ouvert dans une maison voisine, sortait sans bruit et s’allongeait, comme une chose de mauvais rêve, une perche de vingt ou trente pieds, avec du feu au bout, de l’étoupe et du pétrole enflammés, et