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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

froid. Des arbres sans feuilles, dont la mitraille a déchiqueté les branches. Et, sur tout cela, un ciel bas et lugubre, où des flocons de neige passent en cinglant.

Il faut se découvrir dès l’entrée de ce jardin, car on ne sait pas sur qui l’on marche ; les places, qui seront marquées bientôt, je n’en doute pas, n’ont pu l’être encore, et on n’est pas sûr, lorsqu’on se promène, de n’avoir pas sous les pieds quelqu’un de ces morts qui mériteraient tant de couronnes.

Dans cette maison du chancelier, épargnée un peu par miracle, les assiégés habitaient pêle-mêle, et dormaient par terre, diminués de jour en jour par les balles, vivant sous la menace pressante de la mort.

Au début — mais leur nombre, hélas ! diminua vite, — ils étaient là une soixantaine de matelots français et une vingtaine de matelots autrichiens, se faisant tuer côte à côte et d’une allure également magnifique. À eux s’étaient joints quelques volontaires français, qui faisaient le coup de feu dans leurs rangs,