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babouches, est comme un seuil d’église. Au-dedans, une grande nef, en forme de croix latine, avec colonnes de marbre gris, et, çà et là sur les murailles, des croix encore, qui ont été grattées, il est vrai, mais qui persistent à se dessiner sous les épaisseurs de la chaux blanche. Une église, en effet, bâtie par ces Croisés de foi ardente qui venaient jadis se faire tuer en Terre sainte. Quelle puissance ils avaient, ces hommes, et quels prodiges ils pouvaient accomplir ! Comme elle était belle, leur église, pour avoir été édifiée au milieu des guerres, dans un tel pays d’exil ; comme elle est surprenante à rencontrer ici, toujours debout !…

Dans sa blancheur tranquille, éclairée par un reflet du grand soleil oriental qui resplendit à l’extérieur, tout à coup, quelque chose de chrétien se retrouve encore… Les Francs qui l’ont construite, il y a sept siècles, avaient déjà bien obscurci pourtant le Jésus de l’Évangile par d’enfantines légendes, — et maintenant, qui plus est, les sombres drapeaux verts de Mahomet occupent la nef dépouillée, à la place des images qu’avaient mises là ces croisés naïfs ; mais c’est égal, quelque chose du Rédempteur se retrouve, quelque chose de presque insaisissable et d’infiniment doux, — avec, aujourd’hui, une vague impression de la fête du dimanche, de la fête de Pâques…