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presque somptueuse, pour nous pauvres gens du désert, et représentant tout à coup la sécurité, le confort, les communications avec le reste du monde, toutes les modernes choses oubliées…



Cela nous surprend de voir ici les arbres annuels sans feuilles, après l’illusion d’été que vient de nous donner le soleil plus chaud du sud. C’est pourtant vrai, que nous sommes encore en hiver !

Nous nous engageons, pour une demi-heure au moins, dans des chemins creux ensablés, entre des haies de cactus enfermant des jardins édéniques, pleins de figuiers, d’orangers, de citronniers et de roses.

Nous y croisons une population au teint blanc, bien moins basanée que nous-mêmes. Quelques femmes chrétiennes, maronites ou grecques, dont le voile relevé ne cache pas les traits et qui sont d’une beauté éclatante et fraîche avec un teint rosé ; des musulmanes aussi, ne nous montrant que leurs longs yeux. Et des Arabes, des Turcs, des Juifs, chacun ayant gardé le costume de sa race, dans un éclat et une diversité de couleurs qui amusent nos yeux, après les grisailles monotones d’où nous sortons.