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gracieuses et belles de forme, avec des amphores sur la tête ; et des moutons et des chèvres, et des vaches gonflées de lait et des veaux par centaines. L’abondance à présent et la tranquillité pastorale ; après le désert, la Terre promise.



Cheminé longtemps encore dans les orges veloutées. Pas un arbre, pas même de broussailles ; rien qu’un infini d’herbages.

Et les campagnes se peuplent de plus en plus ; il y a partout des laboureurs en burnous qui travaillent ce sol fertile et gras, rayé de sillons innombrables. On dirait la Beauce ou certaines régions normandes ; seulement, au lieu de villages, ce sont des campements arabes : tentes poilues, tout en longueur, aplaties sur l’herbe mouillée et se suivant à la file, qui semblent, sur les lointains si verts, des processions de grandes chenilles noirâtres.

Cette surface de terre morcelée, grouillante d’hommes et d’animaux qui vivent par elle, la tondent et l’épuisent, cause aujourd’hui, à nos yeux où demeure encore l’image des solitudes, l’impression d’un riche tapis mangé aux vers ou d’une fourrure mitée.