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ondulations commencent de se dessiner, comme une première levée de houle, sur une immobile mer.

Des lézards squameux, couleur du sol et de l’étendue, traversent à tout instant la caravane, sous les pieds de nos bêtes.

Et çà et là, croît une maigre fleur violette que les chameaux aiment manger ; avec un petit cri de contentement dès qu’ils l’aperçoivent, ils tirent sur la guide de laine noire et tendent leur long cou abaissé vers la terre.

Nous avons laissé, ce matin, sur notre droite, la route des pèlerins de Syrie, et il n’y a plus sur le sol aucune trace, aucune sente pour nous guider.



Après les deux premières heures de marche, l’immensité change de nuance ; le désert, de jaunâtre qu’il était, devient noir en avant de nous. Déjà nous avions rencontré de ces colorations-là, mais moins accentuées, moins mortuaires. Il y a d’abord une zone de transition qui est marbrée, traversée de grandes zébrures noires et jaunes ; puis, nous entrons dans le noir absolu.

Et ce noir n’est qu’à la surface. C’est une inexplicable couche de cailloux qui semblent d’onyx ;