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Et nous leur demandons :

— Qu’est-ce que vous nous voulez ?

— Oh ! rien, disent-ils ; seulement nous avons peur d’être seuls, parce qu’il y a des brigands ; alors nous profiterons de votre compagnie jusqu’à demain matin.

Peur d’être seuls ! et ils n’ont rien à perdre, et ils sont trente-six, armés jusqu’aux dents. À cela nous ripostons par un ultimatum de guerre :

— Allez-vous-en tout de suite ; ayez disparu de notre horizon avant la nuit tombée, sans quoi nous vous tirons dessus !

Une minute d’hésitation et de ricanements mauvais, et puis ils se relèvent, ramassent leurs pauvres loques, leurs pauvres bissacs déjà étalés sur le sable, et s’en vont comme des chiens battus.

Ils nous font pitié ; nous leur enverrions bien à manger, si pillards qu’ils soient, mais nous n’en avons pas de reste, car nos gens de Pétra, imprévoyants comme des oiseaux, n’ont apporté qu’un peu de farine d’orge pour le pain des premiers jours, pas d’eau pour boire, et nous serons forcés de les fournir de tout jusqu’en Palestine.