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blait propre et décorative, mais il la repousse avec un dédaigneux haussement d’épaules. Son dévolu est jeté sur un jeune mâle, qu’on fait lever à grands coups de lanières, — et que décidément je monterai : il ressemble à une autruche, tant il est effilé, fin de cou et de jambes ; il est vraiment très élégant, aussi joli qu’un chameau puisse être ; il est du reste couleur de désert, d’un gris chaud un peu rosé comme l’ensemble neutre des choses, tellement qu’on pourrait dire de lui qu’il est incolore.

Un soleil brûlant et splendide éclaire l’oasis, darde sur cette sorte de place, si tumultueuse ce matin, où nous étions campés. À travers le rideau des palmiers, se trace la ligne bleu de Prusse de la mer, toute coupée par les sveltes tiges grises, et comme vue derrière une claie de roseaux. Nos tentes, nos tapis, nos selles, nos bagages jonchent le sable, et les hommes hurleurs, les hommes minces, à longs fusils et à longs coutelas, piétinent le tout, circulant les bras levés, dans des attitudes exaspérées. Il y a aussi des chiens ameutés, des moutons, des chèvres, — et tous les enfants d’Akabah, les plus petits et les plus drôles, les uns tout nus, les autres avec de trop longs burnous qui leur font des robes à queue, la figure et les yeux pleins de mouches, adorables quelquefois, quand même, de forme,