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sommes en ramadam, le jeûne et les prières l’ont exténué ; il repose dans sa maisonnette à toit de palmes, et ses gardes n’osent pas troubler son sommeil.

Quant à nos chameaux, ils ont l’air de bêtes mortes, étendus de côté dans des poses épuisées, leurs longs cous allongés sur le sable. Notre guide, qui les a palpés, assure qu’ils n’ont pas mangé d’au moins huit jours et qu’ils feront difficilement l’étape d’aujourd’hui.

On respecte encore nos personnes, ne s’en prenant qu’à nos gens. Cependant, la foule des affamés au sombre visage continue d’augmenter et la grande clameur s’exaspère.

À un moment donné, un groupe m’enserrant de trop près, tandis que je m’efforce de rester impassible et souriant sous mes voiles de laine, Mohammed-Jahl surgit, le bâton levé ; d’un seul commandement furieux et bref, il disperse le cercle, puis, me prend la main avec une grâce de seigneur et m’emmène le plus tranquillement du monde pour me faire choisir mon dromadaire. — Plutôt, il le choisira lui-même, afin d’être plus sûr qu’il soit excellent ; il les examine tous et fait placer, essayer ma selle et mon fusil sur plusieurs bêtes différentes. Je souhaitais une chamelle blanche, qui me sem-