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envahis par une foule qui s’agite et qui hurle ; d’abord, les chameliers que nous avons demandés nous-mêmes à Mohammed-Jahl, et puis beaucoup d’autres personnages tout à fait inutiles, descendus de l’intérieur à la suite du grand bandit dans l’espoir de nous ravir quelque chose. Sous les couffies de soie ou sous les voiles de laine, s’abritent de ténébreuses figures, luisent de mauvais yeux. Partout des cuivres, jaunes ou rouges, étincellent dans les groupes tourmentés ; ces hommes sont chargés d’amulettes et d’armes, sacoches enfermant des écrits mystérieux, longs fusils minces usés dans les escarmouches du désert, longs coutelas ébréchés de père en fils à des égorgements d’hommes ou de bêtes.

Le centre des hurlements est auprès de la tente qui contient nos provisions de route ; il y a là un cercle d’hommes assis, entourés d’un cercle d’hommes debout, et tous se disputent férocement, s’attrapant par les bras, par les mains, ou par le front pour se hurler de plus près des menaces de mort au visage. Au milieu d’eux, je reconnais Mohammed-Jahl, tenant en main son bâton pour chameau comme on tient un sceptre, les yeux pleins de rage sous son beau voile attaché de cordelières d’or, et rugissant d’une voix de vieux lion