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Dehors, il fait la nuit merveilleuse, qui est ici la nuit de toutes les fois, la nuit quelconque. Par le sentier obscur, feutré de sable, sous le couvert des palmes, je m’en vais finir mon dernier soir sur la plage, au bord de la mer déserte qu’éclaire la lune en croissant, traîner mes voiles blancs de fantôme.

Mes deux amis, les soldats bergers, m’attendaient là depuis longtemps, désespérant de me revoir. Et nous nous remettons à causer de la patrie turque, de Stamboul ou d’Ismir, dans le profond silence, en faisant des cent pas et des cent pas, tout au bord des eaux réfléchissantes, avec un détour pour éviter le chameau mort, chaque fois que notre promenade nous ramène près de lui…

Dans le lointain, une sonnerie de trompette les rappelle, triste et lente, très haute comme la voix des muezzins. Vite, il faut qu’ils rentrent à la forteresse ; ils prennent leur course, me montrant un sentier qui s’enfonce dans les ténèbres des arbres : « Va tout droit par là, c’est le plus court pour rejoindre tes tentes. »

Et bientôt je suis égaré, seul, dans cette obscurité. Il n’est pourtant pas immense, le bois ; mais il est