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Et toute l’après-midi, une bergeronnette égarée me suit obstinément dans l’ombre même de mon chameau, voletant et piaulant entre les hautes pattes rousses ; son cri et le piétinement de la caravane sur les coquillages semblent presque de grands bruits au milieu de ce monde de splendeur et de silence.



Nous campons, à l’heure crépusculaire, sur une plage où nos chameaux trouvent à brouter de maigres plantes.

Et, à peine ma tente montée, la bergeronnette apparaît à la porte, comme demandant à entrer et à manger, cherchant protection contre le désert, très gentiment hardie…

Nous sommes tout près de la mer, dans un lieu resserré que les grands mornes de cette rive écrasent et mettent déjà dans l’ombre obscure, tandis qu’en face, au-delà des eaux devenues couleur de queue de paon, ce chaos de granit, qui est l’Arabie, n’a pas encore achevé sa fantasmagorie des soirs : entre une mer verte et un ciel vert, s’étendent des montagnes dont les bases sont d’un violet de robe d’évêque et les cimes, d’un rose orangé, — mais un rose invraisemblable, inexpliqué, persistant après