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humaine, jusqu’au vertige et jusqu’à l’épouvante. Dans ces défilés, qui ont dû s’ouvrir lors des premières convulsions de la terre, les siècles sans nombre ont créé un sol exquis, en émiettant les cimes, en nivelant ensuite tous les débris tombés d’en haut et les pulvérisant très fin, très fin, pour en faire un sable plus rose et plus brillant que celui des plages. On dirait des rivières de sable, unies et tranquilles, dans lesquelles viennent plonger et mourir tous les piliers, tous les contreforts soutenant les monstrueuses murailles debout. — Il faut de tels lieux, que ni l’homme ni la nature verte n’ont jamais touchés, pour nous faire encore un peu concevoir, à nous très petits et préoccupés de choses de plus en plus petites, ce qu’ont dû être les formations de mondes, les horreurs magnifiques de ces enfantements-là.

Plus aucune plante autour de nous. Nous sommes dans un pays tout rose, marbré de bleu pâle, et la pénombre même, la pénombre un peu souterraine dans laquelle nous mettent tous les granits d’en haut, a pris une vague teinte rosée.

Il y a des allées toutes droites et d’autres contournées à angles brusques. Quelquefois la nef que nous suivons paraît finir : mais elle est coudée seulement dans l’épaisseur de la montagne, elle se con-