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s’agiter au-dessous de moi tout ce petit monde à part qui est le monde du corail. — Au milieu des rameaux blancs ou roses, — dans les branchages compliqués des madrépores, circulent des milliers de petits poissons dont les couleurs ne peuvent se comparer qu’à celles des pierres précieuses ou des colibris : des rouges de géranium, des verts chinois, des bleus qu’on ne saurait peindre, — et une foule de petits êtres bariolés de toutes les nuances de l’arc-en-ciel, — ayant forme de tout excepté forme de poisson… Le jour, aux heures tranquilles de la sieste, absorbé dans mes contemplations, j’admire tout cela qui est presque inconnu, même aux naturalistes et aux observateurs.

La nuit, mon cœur se serre un peu dans cet isolement de Robinson. — Quand le vent siffle au dehors, quand la mer fait entendre dans l’obscurité sa grande voix sinistre, alors j’éprouve comme une sorte d’angoisse de la solitude, là, à la pointe la plus australe et la plus perdue de cette île lointaine, — devant cette immensité du Pacifique, — immensité des immensités de la terre, qui s’en va tout droit jusqu’aux rives mystérieuses du continent polaire.