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XXIV

UN NUAGE.

… La bande insouciante et paresseuse était au complet au bord du ruisseau d’Apiré, et Tétouara qui était en veine d’esprit versait sur nous tous, à demi endormis dans les herbes, des facéties rabelaisiennes, — tout en se bourrant de cocos et d’oranges.

On n’entendait guère que sa voix de crécelle, mêlée aux bruissements de quelques cigales qui chantaient là leur chanson de midi, à l’heure même où, sur l’autre face de la boule du monde, mes amis d’autrefois sortaient des théâtres de Paris, transis et emmitouflés, dans le brouillard glacial des nuits d’hiver…

La nature était tranquille et énervée ; une brise tiède passait mollement sur la cime des arbres, et une foule de petits ronds de soleil dansaient gaiement sur nous, multipliés à l’infini par le tamisage léger des goyaviers et des mimosas……