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Pomaré, de sa grosse voix rauque — Loti, pourquoi n’épouserais-tu pas la petite Rarahu du district d’Apiré ?… Cela serait beaucoup mieux, je t’assure, et te poserait davantage dans le pays…… »

C’était sous la veranda royale, que m’était faite cette question. — J’étais allongé sur une natte, et tenais en main cinq cartes que venait de me servir mon amie Téria ; en face de moi était étendue ma bizarre partenaire, la reine, qui apportait au jeu d’écarté une passion extrême ; elle était vêtue d’un peignoir jaune à grandes fleurs noires, et fumait une longue cigarette de pandanus, faite d’une seule feuille roulée sur elle-même. Deux suivantes couronnées de jasmin marquaient nos points, battaient nos cartes, et nous aidaient de leurs conseils, en se penchant curieusement sur nos épaules.

Au dehors, la pluie tombait, une de ces pluies torrentielles, tièdes, parfumées, qu’amènent là-bas les orages d’été ; les grandes palmes des cocotiers se couchaient sous l’ondée, leurs nervures puissantes ruisselaient d’eau. Les nuages amoncelés formaient avec la montagne un fond terriblement sombre et lourd ; tout en haut de