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sais quels airs insensés, accompagnés dans le lointain par la upa-upa qui râlait au dehors.

J’étais seul avec la vieille reine, qui était restée pensive et immobile dans son grand fauteuil doré. — Elle avait l’air d’une idole incorrecte et sombre, parée avec un luxe encore sauvage,

Le salon de Pomaré avait cet aspect triste des fins de bal : un grand désordre, une grande salle vide ; des bougies s’éteignant dans les torchères, tourmentées par le vent de la nuit.

La reine se leva péniblement, dans les plis de sa robe de velours cramoisi. — Elle vit Rarahu qui se tenait près de la porte, debout et silencieuse. — Elle comprit et lui fit signe d’entrer.

Rarahu entra… timide, les yeux baissés, et s’approcha de la reine, — Apparaissant après ce bal, dans cette salle déserte, dans ce silence, — avec sa longue traîne de mousseline blanche, ses pieds nus, ses longs cheveux flottants, sa couronne de gardénias blancs, — et ses yeux agrandis par les larmes, — elle avait l’air d’une willi, d’une vision délicieuse de la nuit.

— « Tu as à me parler, Loti, sans doute ; tu veux me demander de veiller sur elle, dit la vieille